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La prescription de médicaments psychotropes : progrès thérapeutiques ou effets de mode?

 

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On constate aujourd’hui, en Amérique du Nord, que les médicaments psychotropes tels que les antidépresseurs, les psychostimulants, les anxiolytiques et les antipsychotiques sont de plus en plus prescrits. Selon la sociologue et historienne Johanne Collin, professeure à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal, cette hausse de la prescription s’explique en partie par les raisonnements des médecins. Dans un récent article, elle établit un parallèle entre les dilemmes auxquels la médecine faisait face au XIXe siècle et ceux qui ont cours dans le champ de la santé mentale.

« On observe une augmentation du nombre de personnes qui reçoivent une ordonnance de médicaments psychotropes ainsi qu’une propension de plus en plus importante à prescrire plusieurs médicaments psychotropes à un même patient. De plus en plus d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes sont sous médication psychotrope, et se voient de plus en plus souvent prescrire plus d’un médicament psychotrope à la fois », indique Mme Collin. Ce phénomène est-il attribuable à un manque de connaissance des médecins sur les médicaments? À l’influence exercée par l’industrie pharmaceutique, ou bien encore à la demande des patients qui veulent obtenir une ordonnance? S’agit-il d’un effet de modes lorsque de nouveaux médicaments sont mis sur le marché? « Si tous ces facteurs externes ne sont pas à exclure pour expliquer la hausse de la prescription, il faut également prendre en compte les raisonnements des médecins, car ces derniers ne prescrivent pas simplement sous l’influence de facteurs extérieurs », poursuit-elle.

À partir d’une généalogie des pratiques de prescription des médecins dans le domaine de la santé mentale, la chercheuse montre qu’on retrouve aujourd’hui les tensions qui existaient déjà au XIXe siècle dans le raisonnement clinique, entre la prise en compte de la spécificité du patient et l’universalisme de la maladie et des traitements.

Elle rappelle ainsi que, pendant une bonne partie du XIXe siècle, les médecins fondaient leur approche diagnostique et thérapeutique sur la spécificité du patient et non sur celle de la maladie. En d’autres termes, ils considéraient que le patient était unique, quelle que soit sa maladie et que son traitement devait en conséquence être élaboré « sur mesure ». Pour Mme Collin, le parallèle est frappant avec la psychiatrie depuis le milieu du XXe siècle. « L’approche psychanalytique qui dominait alors postulait que ce qui se passait dans la tête des patients devait être abordé en fonction de la spécificité et du vécu de la personne. La psychiatrie  était alors dominée par le primat de la spécificité du patient. Avec l’essor de la psychopharmacologie moderne dans les années 1950 et la découverte des premiers antidépresseurs et antipsychotiques, on considèrera progressivement que ce qui se passe dans le cerveau est physique et biologique; passant ainsi de la spécificité du patient à celle de la maladie mentale, quels que soient le patient et les circonstances du déclenchement et de l’évolution de sa maladie. C’est le primat de l’universalisme de la maladie mentale et de la standardisation des diagnostics et des traitements médicamenteux qui devient dominant en santé mentale.», indique-t-elle.

 

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12/11/2014
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